Ecrire en boustrophédon.
L’arrivée de l’écriture dissocie la Préhistoire de l’Histoire.
Elle permet d’avoir une trace de certains évènements qui précisent le temps historique où ils se produisent. Non seulement la mémoire pure est conservée et transmise plus ou moins fidèlement par la parole mais, une fois écrite, elle est consignée, définitive et précise, sur des supports qui varient avec le temps et les civilisations. Elle s'avère aussi utile qu'indispensable pour entériner les victoires, les décisions juridiques, les actes de propriété, les transactions financières, les faits religieux, etc... C'est pour cela qu'elle s'impose.

Ecrire en « boustrophédon* » date du 10è s. avant J.C., lorsque les Phéniciens inscrivent les textes de droite à gauche puis reviennent en sens inverse, à la ligne suivante. Ils s'inspirent du boeuf qui tire la charrue mais tourne au bout de chaque sillon, à droite puis à gauche, pour tracer le suivant. Parfois, le dessin des lettres est aussi inversé dès que le scribe commence une autre ligne.
Les Phéniciens sont imités par les hébreux, les araméens, les arabes, les grecs etc.
Au cours de l'Histoire, deux sens d’écriture se sont succédées ou perdurent encore. De droite à gauche pour les langues indo-européennes mais l'arabe et l'hébreu ont conservé l'écriture de droite à gauche. En boustrophédon.
Ce n’est qu’au 5è siècle avant J.C. que la Grèce, par décision d’Archinos, fixe définitivement l’écriture de gauche à droite.
Cependant, écrire de la main droite ou de la main gauche n’est pas anodin et peut suggérer de faire référence à l’hémisphère cérébral dominant.
Un jeune enfant écrit souvent en boutrophédon lorsqu’il a mal assimilé le sens « obligatoire » de l’écriture.

On dit qu’il a une écriture spéculaire **. Ce qui est aussi le cas du gaucher pour qui ce serait l’écriture normale puisque son hémisphère gauche domine. Certaines personnes, très rares il est vrai, pourraient même écrire des deux mains à la fois, donc l'une vers la droite et l'autre vers la gauche ...
Des personnes très âgées, qui souffrent d’apraxie***, ont de très grandes difficultés à coordonner l'action d'écrire et inversent naturellement l'écriture.
Et pour faire référence à Léonard de Vinci****, dont les notes sont rédigées ainsi, il pourrait être soupçonné d’avoir voulu les garder secrètes essayant ainsi d'échapper à la censure des 15è et 16è s. en Italie. C’est ce qu’on appelle aussi l’écriture ‘’ en miroir ‘’ puisque celui-ci permet de la lire plus facilement.

Image : wikipedia.fr
Au 21è siècle, le boustrophédon ne nous lâche pas !
Il est amusant de noter que nos imprimantes sont capables d’imprimer de droite à gauche et de gauche à droite ! Il en de même pour les drones sous-marins qui relèvent les données du sonar dans les deux sens.
La sérigraphie des véhicules d'urgence est maintenant en écriture spéculaire (inversée) afin que les automobilistes puissent lire dans leur rétroviseur.
* Terme venant du grec bous, boeuf et strephein, tourner.
** Du latin specularis – transparent, en miroir.
*** Apraxie provient du grec praxis, action. Une A-praxie empêche l’action de coordonner les mouvements volontaires de base pour exécuter une tâche précise.
**** Léonard de Vinci (1452-1519) est l'incarnation parfaite du génie de la Renaissance. Sa vie, d'une richesse éblouissante, nous est transmise par ses paroles, ses écrits, ses dessins et tous les témoignages de l'époque.
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